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Huit ans après sa dernière apparition à l'écran, la star revient dans la peau d'un inspecteur parti à la recherche des meurtriers de sa fille. Un polar sec, carré, très sombre, où Gibson fait profil bas. Une manière de remettre les compteurs à zéro après quelques dérapages incontrôlés
Vieil imperméable usé. Les rides plus apparentes que jamais. Le regard lourd du vétéran à qui la vie n'a pas fait de cadeau. On peut penser ce qu'on veut de l'homme Gibson, l'acteur, lui, fascine toujours autant.
A 54 ans, Mel revient donc devant la caméra après huit ans d'absence. Et quand on parle d'absence, c'est à prendre au pied de la lettre. En pleine crise de foi(e), Gibson signe un pensum chrétien polémique («La passion du Christ»), un long-métrage injustement passé inaperçu («Apocalypto»), se répand en déclarations antisémites désastreuses, est inculpé pour conduite en état d'ivresse.
Mel fait profil bas
C'est donc non sans une certaine ironie que l'acteur revient dans un film intitulé «Hors de contrôle». Sauf que ce polar adapté d'une minisérie britannique, diffusée en 1986 sur la BBC, remet les compteurs à zéro en révélant un Mel Gibson tout en profil bas, simple inspecteur ravagé par le meurtre de sa fille.
Il est Thomas Craven, vétéran de la criminelle à Boston, veuf, élevant seul Emma, 25 ans. Mais, lorsque celle-ci revient le voir après une longue absence, elle se fait assassiner devant ses yeux.
Croyant d'abord qu'il s'agit d'un accident et que c'est lui qui était visé, Thomas découvre au fil de son enquête les secrets enfouis d'une entreprise privée qui fabrique en toute illégalité des armes nucléaires. Une enquête qui mêle intérêt politique et financier, secret-défense et assassins de l'ombre.
Un film d'enquête plus qu'un film d'action
Abordant des thématiques très actuelles, «Hors de contrôle» se détache rapidement du pur film d'action (les scènes sont rares, mais intenses) pour se concentrer sur ses personnages et sur la progression de son enquête. Classique, sobre, carré, le résultat avance sans précipitation, presque avec la certitude désenchantée d'une issue qui ne laissera que peu de chances à ses protagonistes comme à ses antagonistes.
Car, dans ce monde de corruption et de cynisme que nous révèle le film, à l'orée des ténèbres («Edge of Darkness», le titre original), la lumière n'existe que dans la mort. Les rares images de bonheur entre Thomas Craven et sa fille proviennent d'ailleurs presque exclusivement de scènes passées, filmées en super-8 par un père débordant d'amour.
Conscient que son histoire est moins une affaire de pure vengeance qu'un deuil douloureux, le cinéaste Martin Campbell («Casino Royale») focalise son attention sur la souffrance sourde de son héros, littéralement hanté, accompagné par la voix et la présence fantomatique de sa fille disparue. Un dialogue étrange, d'outre-tombe, se noue alors entre Thomas et Emma, source de quelques moments de réelle émotion.
Notons également l'excellent Ray Winstone, qui interprète Darius Jedburgh, agent de la CIA enquêtant en parallèle de Craven. Deux hommes honnêtes, frontaux, qui vont former un duo plutôt intrigant, seul rempart contre la folie inhumaine d'un patron d'entreprise.
Deux hommes sans descendance, Jed-burgh regrettant de n'avoir jamais eu d'enfant alors que Craven pleure la mort de sa fille. Deux hommes que plus personne n'ira enterrer. Comme un résumé du film dans son entier, Jedburgh lancera comme une triste évidence: «On passe un moment à vivre, et puis la mort arrive toujours plus tôt qu'on ne l'attendait.»
Etrangement mélancolique, d'une noirceur constante, «Hors de contrôle» n'est peut-être pas un chef-d'oeuvre et s'achève, après une magistrale séquence de fusillade, sur une image à la limite du grotesque. Reste que, en axant davantage son film sur ses personnages et son récit que sur une avalanche d'effets, Martin Campbell signe un polar sec, sans fioritures, porté par un Mel Gibson impeccable et sans excès.
À VOIR
«Hors de contrôle»
Polar de Martin Campbell (Etats-Unis/Angleterre, 2010, 108').
Avec Mel Gibson, Ray Winstone, Danny Huston.
Dans les salles dès le 17 février
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