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L’expression n’est pas sans connaître une certaine usure, à force d’être utilisée et vous direz maintenant plutôt: ça fait polémique. «Cette proposition pourrait faire polémique» (La Croix, 2 avril 2009). «Le projet de rénovation de l’hôtel Lambert fait polémique» (Les Échos, 13 mars 2009). Polémique, rien que ça. Rappelons que le mot vient du grec polemikos, «qui concerne la guerre». Par affaiblissement, il désigne un débat vif et soutenu. «Il reste que des décisions difficiles devront être prises, dont la perspective suscite déjà la polémique» (le Monde, 16 juin 2009). La polémique, vraiment, ou un débat? Et d’ailleurs, une fois de plus, quel débat? En l’occurrence: quelle polémique? Que veut dire: «susciter la polémique»? Susciter «une» polémique, passe, mais «la» polémique, cela ne passe pas. Eh bien, si, ça passe, on nous le repasse, mais ça lasse. Quelques exemples: «C’est au nom de la loi Evin que la célèbre pipe du cinéaste Jacques Tati a été supprimé sur une affiche dans le métro parisien. Une disparition qui suscite la polémique» (le Parisien, 16 avril 2009). En Italie, «la proposition du président du Conseil suscite la polémique» (le Monde, 13 mars 2009). «Le chercheur écossais Stuart Brody suscite la polémique» (Libération, 16 février 2009). «Ce déménagement suscite la polémique» (le Monde, 20 février 2010). «La visite en Norvège de l’historien britannique David Irving, condamné pour négationnisme, suscite la polémique» (la Croix, 28 mai 2009). «Cet album a suscité la polémique» (la Croix, 22 mai 2009)… Mais quelle polémique, à la fin? Quelles thèses s’affrontent? On aimerait le savoir, on ne le saura pas. «Susciter la polémique» est un tic de langage qui signifie seulement que tout ça fait débat. Quel débat? etc.
CITATION «Et que je te sens froide en te touchant, ô mort, Noir verrou de la porte humaine.» (Victor Hugo, Paroles sur la dune.)
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